Les News du New Space [3]

Fin-février 2022 : à l’heure de l’Ukraine

Bienvenue dans cette revue de presse ! C’est un nouveau format d’article où je choisirai quelques actualités parmi les plus intéressantes dans le monde du New Space en 2022. Cette revue de presse est la troisième, elle sera bimensuelle. Pour comprendre un peu pourquoi il est si important de s’intéresser à tous ces nouveaux acteurs du spatial, vous pouvez faire un tour au bilan de 2021 sur le blog.

La dépendance des lanceurs du New Space à l’Ukraine

L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe est en train de nous faire changer le visage du spatial. L’ensemble des collaborations internationales avec la Russie est tombé. Même l’avenir de l’ISS est incertain. Dans le domaine des lanceurs, l’avenir de la Vega est menacé, si jamais l’Ukrainien Ioujnoïe n’est plus en mesure de fournir l’étage supérieur AVUM.

Côté américain, les fusées Atlas-V volent avec des moteurs russes mais ULA en dispose assez jusqu’au dernier vol. La fusée Antares peut encore voler deux fois mais semble condamnée. Le premier étage est fourni par Ioujnoïe mais avec des moteurs russes. Plus question d’en avoir. Côté russe, on arrête de faire voler la Soyouz pour les ‘’étrangers’’. Plus aucun vol Soyouz ST depuis Kourou et OneWeb a annulé tous ces vols Soyouz depuis Baïkonour.

Côté New Space, un drame se profile à l’horizon si l’Ukraine devient occupée par la Russie. Plusieurs compagnies ont des bureaux, des salariés ou des contractants en Ukraine. Parmi elles :

  • Rocket Factory Augsburg (Allemagne) : pour sa future fusée légère RFA One, la compagnie bavaroise importe d’Ukraine plusieurs composants du moteur, dont la turbopompe, via Yuzhmash Group.
  • Skyrora (Royaume-Uni) : la start-up écossaise dispose de bureaux à Dnipro, notamment pour les moteurs de ses micro-lanceurs. Les employés ukrainiens ont déclaré cesser le travail pour prendre le combat et défendre la ville face à l’armée russe.
  • LAUNCHER (USA) : la start-up disposait d’une équipe de 11 ingénieurs et 5 assistants à Dnipro, dont le but est d’aider au design du moteur E2 de leur futur lanceur avec l’immense savoir-faire ukrainien en matière de moteur fusée. A l’aube de l’invasion russe, LAUNCHER a annoncé que son équipe avait déménagé à Sofia, en Bulgarie.
L’équipe ukrainienne de LAUNCHER à Sofia en Bulgarie. (LAUNCHER)

Record de rideshare en Chine

Le 27 février dernier, la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC) a réalisé un nouveau tir de la fusée Long March 8 depuis le Wenchang Space Center, sur l’île de Hainan, au sud du pays. Ce vol était le premier où la LM-8 volait sans ses boosters latéraux. La fusée est celle qui sera censée être réutilisable (pour le premier étage) dans quelques années. En attendant, la CASC réalise des vols normaux.

Ce vol emportait en tout 22 satellites à destination de l’orbite polaire. C’est un nouveau record pour la Chine d’avoir réussi à mettre autant de satellites en orbite d’un coup. Le succès a été confirmé. Parmi ces satellites, il y avait dix petits satellites d’imagerie terrestre Jilin de Changguang Satellite Technology, s’ajoutant à la constellation déjà présente autour du globe.

Décollage de la Long March 8 depuis le Wenchang Space Center (Xinhua)

Les autres passagers comptent plusieurs compagnies du New Space chinois :

  • Minospace, constructeur et opérateur satellites, disposait de cinq passagers à bord. Deux satellites pesaient 240 kg et 250 kg. Tianjing 3 & 4 sont respectivement dédiés à l’imagerie terrestre en optique et en SAR (radar à synthèse d’ouverture). Minospace a également réalisé deux satellites d’une soixantaine de kilos Wenchang 1 & 2 pour observer la surface terrestre en multispectral à champ large. Enfin, il y avait le satellite d’observation hyperspectral Xidian-1.
  • Spacety, autre constructeur satellite, était à bord avec le satellite d’imagerie terrestre SAR Chaohu-1, le premier d’une constellation. Spacety avait également développé le petit satellite Thor Smart, dédié à la démonstration de logiciels et à la détection de rayons gamma.
  • Shenzhen Aerospace Dongfanghong Satellite, avec les deux satellites d’imagerie Hainan 01 & 02, notamment équipés de récepteurs de signaux AIS de navires pour la surveillance du trafic maritime.
  • Guodian Gaoke, avec Tianqi 19, nouvel arrivant dans la constellation Apocalypse dédié à l’Internet des Objets.
  • Le satellite universitaire Star Era-17, notamment équipé des charges utiles de la compagnie ADA Space qui travaille à une constellation satellite avec intelligence artificielle.
  • Le satellite d’imagerie terrestre universitaire Phospherus-1.

Ce vol montre la diversité du spatial privé dans les constructeurs et opérateurs, même si ce monde reste fragile face à la toute puissance de la CASC dans l’industrie spatiale chinoise.

Les 22 satellites du vol Long March 8 lors de l’encapsulation de l’adaptateur sous la coiffe. (CASC)

Rocket Lab inaugure un nouveau pas de tir à Mahia Peninsula

Nouveau succès pour la fusée Electron de Rocket Lab. Le micro-lanceur a décollé depuis Mahia Peninsula le 28 février avec à bord le satellite StriX-β de la compagnie japonaise Synspective. C’était le premier vol Electron de 2022 et il était particulier :  il a inauguré un nouveau pas de tir, le LC1B, voisin de quelques dizaines de mètres du pas tir habituel. Rocket Lab dispose donc maintenant de deux pas de tirs opérationnels. La compagnie pourra être plus flexible et enfin améliorer sa cadence.

StriX-β est un satellite d’imagerie radar à synthèse d’ouverture (SAR) de la surface terrestre. Il rejoint l’élément alpha de la constellation, lancé en décembre 2020 avec une Electron. Rocket Lab doit encore en lancer deux autres pour Synspective qui espère disposer d’une constellation de six éléments pour avoir quotidiennement des images SAR des grandes villes asiatiques.

Rocket Lab dispose en réalité d’un troisième pas de tir, à Wallops en Virginie. Mais la compagnie n’a toujours pas le droit de l’utiliser, faute de licence. Le tir inaugural doit avoir lieu cette année, selon la compagnie. Rocket Lab aura beaucoup à faire à Wallops ces prochaines années. Le 28 février, la compagnie a annoncé y construire le futur centre de production et de lancement de la fusée Neutron.

Décollage de l’Electron depuis Mahia Peninsula (Rocket Lab)

En bref

Relativity Space accélère ses plans vers le réutilisable

Le PDG Tim Ellis a annoncé dans un entretien avec Ars Technica que le moteur fusée Aeon-1, destiné à la Terran-1, ne sera utilisé que pendant les premiers vols avant de passer à une version réutilisable Aeon-R qui sera utilisé pour le futur lanceur lourd Terran-R. Tim Ellis a également confirmé que le premier vol de la Terran-1 aura bien lieu cette année.

Astroscale se prépare à une nouvelle démonstration de capture de débris spatial

La start-up japonaise prépare son satellite Elsa-d à attraper un autre satellite qui jouera le rôle d’un débris spatial. Le test est en fait une reprise avec un autre satellite client que celui initialement prévu. Le 26 janvier, ce dernier avait choisi d’arrêter le test alors qu’Elsa-d se trouvait qu’à quelques dizaines de mètres du satellite. Affaire à suivre.

VOS choisit les îles Shetland pour le tir inaugural de la Zéphyr

La start-up française a conclu un Memorandum of Understanding avec SaxaVord, la compagnie opératrice du futur astroport de Unst dans les îles Shetland. L’accord vise à faire décoller la toute première fusée Zéphyr depuis Unst en 2024. Le Conseil des îles Shetlands vient de donner son accord pour débuter le chantier du site qui accueillera également d’autres lanceurs comme la RS1 d’ABL Space Systems, en contrat avec Lockheed Martin.

Robin Huber, responsable du développement commercial de SaxaVord (gauche) et Stanislas Maximin, PDG de VOS dans les locaux à Reims (Venture Orbital Systems)

Radar à Synthèse d’Ouverture, l’imagerie de 2022 ?

La frénésie du SAR se déploie dans l’espace. Déjà plus d’une dizaine de satellites SAR ont été déployés en orbite depuis le 1er janvier 2022 ! L’imagerie radar améliorée de cette technologie permet de regarder la surface en toutes conditions. C’est devenue une nécessité pour compléter les applications liées à l’observation de la Terre en optique. Plus que jamais, avec la guerre en Ukraine, nous avons besoin de pouvoir regarder à travers la nuit et les nuages.

Image montrant des mouvements de troupes russes à proximité de la rivière Pripiat en Ukraine, prise par un satellite SAR de Capella Space.

Laisser un commentaire