[Rétrospective] 2021, une année New Space

Nous sommes sans conteste au sein d’un tournant dans le spatial. Depuis longtemps, le spatial n’avait rarement donné autant de nouvelles que cette année. Le New Space est au premier plan de ce bilan de l’année spatiale 2021. Il est partout, y compris dans les décisions stratégiques.

NB : cette analyse est faite en amateur, il existe des analyses bien plus précises et documentées que la mienne, faites par des professionnels. Ici, le but est surtout de montrer combien le New Space est présent dans les activités spatiales aujourd’hui.

La majorité des tirs en 2021

L’année 2021 a été une année record en nombre de lancements, en dépit du ralentissement causé par la crise sanitaire qui a touché certaines nations en particulier. Il y a eu en tout 146 lancements et tentatives de lancements orbitaux en 2021, un nombre jamais atteint, même pendant la frénésie des années 1960.

Nombre de lancements orbitaux par an depuis 1957 (échecs inclus). 2021 est une année de tous les records ! (Spacekiwi)

La compagnie à avoir lancé le plus cette année est la CASC (responsable de tous les tirs Long March), compagnie publique chinoise, qui récolte tous les contrats pour l’Etat et la défense. Au total la CASC a lancé 49 fusées Long March, soit beaucoup plus que prévu dans les attentes de la CASC en janvier (au moins 40 vols de prévus).

La CASC prévoit au moins 40 vols pour 2022, notamment pou le vol habité (2 modules de la CSS + 2 cargos + 2 missions Shenzhou). Il est prévu de renouveler petit à petit la gamme Long March en gonflant plus le manifeste des Long March 7A, à capacité GEO, que pour la LM-3 plus ancienne et causant plus de soucis de débris au sol. La fusée solide LM-6A devrait aussi arriver en 2022 (déjà prévue en 2021). Le gouvernement chinois va tout de même rester attaché aux LM-2 pour déployer sa mégaconstellation internet en orbite basse.

Nombre de tirs réalisés par gamme de lanceur en 2021. Les tirs Soyouz (Eu) regroupent le tir Soyouz ST et les tirs Soyouz vendus par la Starsem (Spacekiwi)

Petit à petit, le gouvernement attribue des contrats de vol au principal concurrent de la CASC, la CASIC et sa filiale spatiale ExPace. Avec ses petits fusées Kuaizhou, la CASIC donne plus de possibilités de vols au privé chinois. C’est aussi le cas du New Space chinois. En 2021, nous comptons trois vols avec néanmoins un seul de réussi. La start-up iSpace n’a pas eu de chance avec ses deux tentatives du micro-lanceur à propulsion solide Hyperbola-1. Cependant la start-up Galactic Energy est parvenue à réaliser un second succès de son micro-lanceur à propulsion solide Ceres-1.

Déjà en 2021, les nouvelles étaient quotidiennes pour le New Space chinois des lanceurs, cela va continuer de plus belle en 2022 avec notamment l’arrivée de nouveaux lanceurs dans la course, soit à propulsion solide, mais aussi possiblement à propulsion méthane/LOX avec la Zhuque-2 de Landspace par exemple.

Part des 146 tirs de 2021 selon les nations (j’ai volontairement compté les tirs OneWeb, vendus par la Starsem, comme des tirs européens, même s’ils sont tirés depuis la Russie). On voit la forte domination des tirs Chinois et américains. En réalité la participation européenne est faible (3 tirs Ariane 5, 3 tirs Vega dont un échec, et un tir Soyouz-ST). L’Inde n’a réalisé que deux tirs, débordée par la crise sanitaire. (Spacekiwi)

Côté américain, SpaceX a battu tous ses records de cadence avec 31 vols Falcon 9 en 2021. On peut toutefois noter que 17 de ces tirs étaient intégralement dédiés à… SpaceX, pour déployer sa constellation Starlink. Quatre autres tirs avaient comme client le Commercial Crew Program de la NASA (deux cargos Dragon et deux Crew Dragon). Pour 2022, le manifeste de la Falcon 9 reste très rempli, beaucoup avec Starlink.

En plus de SpaceX, le New Space américain a fait une apparition remarquée en 2021. Rocket Lab est toutefois resté en mode crise cette année avec une cadence deux fois plus faible qu’espérée, et un échec d’Electron. Il faut s’attendre à plus de tirs en 2022, avec peut-être la mise en service des nouveaux pas de tirs à Wallops et à Mahia Peninsula.

D’autres compagnies de lancement du New Space américain ont fait fureur. Elles ont notamment concentré un financement monstre, à l’aide de levées de fonds ou d’entrées en bourse (SPACs). Parmi celles qui ont lancé en 2021, Astra Space a (enfin) réussi à faire voler avec succès sa Rocket 3 jusqu’à l’orbite, après de nombreux échecs. Les premiers vols commerciaux auront lieu en 2022.

Virgin Orbit a réalisé seulement deux vols de la LauncherOne en 2021, ce qui reste peu rentable. Virgin pourrait bien réaliser en 2022 des vols depuis d’autres aéroports (pour rappel, la LauncherOne est un micro-lanceur aéroporté). Enfin, Firefly Aerospace a réalisé une première tentative de sa fusée Alpha, sans succès. Le second tir se fera en 2022 mais la campagne vient juste d’être suspendue.

La tendance continue : la part du New Space dans le nombre de tirs commerciaux dans le monde continue d’augmenter, notamment avec SpaceX mais aussi Rocket Lab. (Nombre de lancements assurés par an par le New Space et par le privé classique (Spacekiwi).

En Europe, les tirs ont suivi une cadence normale en seconde partie de 2021 seulement. Arianespace a connu plusieurs crises : problème de coiffe d’Ariane 5, retour en vol de la Vega après un nouvel échec fin 2020, crise sanitaire en Guyane, reports des tirs Ariane 6 et Vega-C. Prévu fin 2022, le très attendu tir inaugural d’Ariane 6 a encore des chances d’être décalé à 2023. Le tir Vega-C, lui, devrait avoir lieu.

Du côté du New Space, l’agressivité de la politique de soutien en Allemagne et au Royaume-Uni ont forcé la France à soutenir massivement les start-ups. Le soutien reste tout de même tardif et les start-ups les plus avancées comme Venture Orbital Systems ne promettent aucun tir avant 2024, alors qu’outre-Rhin, on promet déjà un tir inaugural du côté de RFA ou d’Isar Aerospace fin 2022.

Record de satellites lancés pour le New Space

Près de 1800 satellites mis en orbite en 2021. C’est un record absolu qui sera sans doute dépassé en 2022. L’accessibilité de l’espace a révolutionné l’industrie satellite et le secteur des applications. Depuis quelques années, on le voit avec de nombreux satellites mis en orbite. Sur les 1800 satellites mis en orbite en 2021, près de 90% proviennent du privé.

Nombre de satellites mis en orbite avec succès par an depuis 2010, en nette augmentation depuis le début du déploiement des constellations Starlink et OneWeb. (Spacekiwi)

DDepuis que SpaceX et la Chine ont cassé le prix de l’accès à l’espace, beaucoup de business ont fleuri. L’autre révolution reste celle de la miniaturisation et surtout le standard qu’on lui a trouvé : le cubesat. Avec une unité de volume standard (1U = 10cm x 10cm x 10cm), l’industrie se montre peu chère et est aujourd’hui fiable. Le nombre de cubesat prévu d’être envoyé dans l’espace ne cesse d’augmenter, les projets de constellations se multiplient. L’accès aux lanceurs pour les cubesats restent limités : les déploiements depuis l’ISS ne suffisent plus, les micro-lanceurs sont trop rares, les vols partagés (rideshare) ne sont pas encore assez nombreux, même avec l’essor des brokers (Spaceflight, Momentus, Exolaunch, Isilaunch, etc.). Cette crise de l’attente a déjà causé plusieurs abandons.

Nombre de cubesats mis en orbite par an depuis 2010. C’est en hausse mais très irrégulier à cause de la disponibilité relative des lanceurs. (Spacekiwi)

L’accessibilité à l’espace a aussi permis de le démocratiser auprès de nations qui ne sont pas de grandes puissances spatiales. Certains pays comme la Tunisie on pu avoir leur premier satellite dans l’espace en 2021. Les nouvelles puissances spatiales commencent par des modèles simples et peu coûteux, des cubesats. Plus de 80 pays dans le monde disposent d’un programme spatial.

Répartition du nombre de satellites lancés en 2021 (échecs inclus). 41 nations ont eu – ou tenté d’avoir – leur satellite dans l’espace. Il faut compter en plus les internationaux (projets européens comme Galileo, ou encore OneWeb). (Spacekiwi)

Les Etats-Unis restent tout de même en grande domination du marché des satellites, notamment avec le déploiement de Starlink. La Chine a tout de même envoyé plus de 100 satellites dans l’espace, dont beaucoup sont publics ou militaires.

Proportion de la provenance des satellites envoyés dans l’espace en 2021. Les deux tiers sont américains. (Spacekiwi)

Nombreux de part le monde se sont plaints de l’invasion Starlink dans l’espace (, , etc.), Nombreux de part le monde se sont plaints de l’invasion Starlink dans l’espace (Europe, Chine, etc.), et du fait qu’Elon Musk possède plus de la moitié des satellites actifs. La part des mégaconstellations satellites est en effet très grande : 1273 satellites lancés en 2021 rien que pour Starlink de SpaceX et pour OneWeb.

Répartition (superficielle) des satellites lancés en 2021. 75% d’entre eux sont uniquement pour Starlink, OneWeb (et aussi les SpaceBEE de Swarm Technologies, qui a été rachetée par SpaceX). (Spacekiwi)

Les satellites d’observation ont eux aussi leur part. Beaucoup d’entre eux sont issus des sociétés du New Space comme Planet ou BlackSky Global. Le business de l’information nécessite beaucoup ces industries aujourd’hui. Nombreuses sont les constellations en projet ou en cours de construction. On a pu en voir la démonstration de plusieurs d’entre elles avec l’événements du cargo Evergiven bloquant le canal de Suez par exemple. Le New Space est bien installé dans le domaine de l’imagerie terrestre.

Le secteur public appelle progressivement le New Space pour des missions stratégiques, comme l’exploration planétaire, mais aussi le programme lunaire. A ce titre, 2021 a été le théâtre d’une révolution. Avant, personne n’aurait parié que la NASA ne choisisse uniquement le Starship et les nouvelles méthodes de développement de SpaceX qui l’accompagnent, comme unique futur lander lunaire pour les prochaines missions habitées du programme Artemis. Jeff Bezos en est tombé de sa chaise, et même une seconde fois quand sa plainte en justice contre la NASA a échoué. C’est tout un symbole que de confier à un pilier du New Space une mission aussi stratégique dont dépend l’autorité des Etats-Unis dans le monde entier. Le calendrier du spatial américain, inspiré des choix de la NASA dans son programme lunaire, dépend maintenant directement d’une méthodologie industrielle très différente des acteurs classiques habituellement choisis. De part le monde, le New Space a joué la carte de la confiance en 2021, dès 2022 devra se jouer la carte de la démonstration. Et ce sera palpitant !

9 commentaires sur « [Rétrospective] 2021, une année New Space »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :