Bienvenue dans cette revue de presse du New Space ! Ici, nous balayons les différentes nouvelles venant du New Space, et de l’écosystème spatial qui se réinvente. Découvrez aussi mes portraits du New Space en vous abonnant à Espace & Exploration.
C’est reparti pour débriefer l’actualité du renouveau du spatial. Ces quatre dernières semaines ont été bien actives. L’ESA en a profité pour livrer son rapport annuel sur l’environnement spatial, alertant sur les risques croissants en orbite basse, où se trouvent la moitié des débris de plus de 10 cm. L’ESA alerte aussi sur l’augmentation de rentrées atmosphériques non contrôlées d’objets spatiaux.
Contexte : les grandes nouvelles
- La Russie se crashe sur la Lune avec Luna 25 (détaillé plus bas).
- L’ESA confirme le report du vol inaugural d’Ariane 6 à 2024, les essais à feu moteurs étant prévues dès septembre.
- Le Wall Street Journal révèle que SpaceX a réalisé 55 M$ de profits au cours du premier trimestre 2023, après 559 M$ de pertes en 2022.
- Le premier vol habité du Starliner pour l’ISS est reporté à mars 2024 (au mieux).
- La Nasa réfléchit à modifier la mission Artemis III au vu des retards du Starship.
Lanceurs : A l’affût des tirs inauguraux
Rocket Lab revoit son design de la Neutron, et admet un éventuel dépassement de calendrier
La compagnie est dans une forme olympique, en annonçant plus d’une dizaine de vols réservés ces derniers mois pour Blacksky, Synspective, iQPS, la Nasa ou encore un vol de la version suborbital HASTE pour le Pentagone. Dans les informations partagées aux investisseurs, Rocket Lab a annoncé des changement du design des pieds d’atterrissage de premier étage de Neutron, des grid fins plus hauts, ainsi que des modifications du réservoir de méthane du second étage. Des tests du réservoir sont prévus « bientôt ». Prévu en 2024, le PDG Peter Beck admet que des potentiels retards peuvent reporter le premier vol de Neutron. Rocket Lab souhaite notamment utiliser les infrastructures de Virgin Orbit qu’ils ont racheté pour accélérer la production.
Le dernier vol Vega de l’année sera rideshare
Ce sera également le dernier vol commercial de Vega sous sa version originale, l’ultime vol étant pour mettre en orbite le satellite Biomass de l’ESA. Ce sera également le dernier vol européen de l’année depuis le CSG, Ariane 6 étant en retard et le retour en vol de Vega-C compromis. Le vol est prévu en septembre à destination de l’orbite héliosynchrone (560 km), et emportera :
- THEOS-2, satellite d’imagerie thaïlandais développé par Airbus Defence & Space à partir de la même plateforme satellite utilisée pour SPOT 6 et 7.
- TRITON (FORMOSAT-7R), satellite météo de Corée du Sud.
- PROBA V-CC, cubesat 12U de l’ESA qui réalisera des observations expérimentales de la surface terrestre.
- 3 cubesats 3U formant la formation ANSER de l’agence spatiale espagnole INTA, pour mesurer la qualité de l’eau dans les réservoirs et étangs dans le pays.
- PRETTY, cubesat 3U de l’ESA qui mesurera l’étendue des glaces, la hauteur des eaux en mer et les courants marins.
- NESS, cubesat du Cnes développé par U-Space, qui mesurera les émissions radio civiles en bande S et L, et qui analysera les sources de brouillage.
- MACSAT, cubesat 6U développé par Konsberg pour OQ Technology pour tester un service d’internet des objets en 5G depuis l’orbite basse.
- ESTCube-2, cubesat 1U étudiant estonien.
- CSC-1 & 2, cubesats développés par Isispace.
Ceres-1 s’envole une nouvelle fois et se prépare à un décollage offshore
Le micro-lanceur chinois de Galactic Energy a décollé le 10 août du Jiuquan Space Center avec à bord 7 satellites privés, dont 4 satellites Xi’an Hangtou. Également à bord, le satellite d’imagerie hyperspectral Xikuang-1 01 de Xiopm Space, le satellite d’imagerie à large fauchée Star Pool 1 d’EllipSpace, et le satellite d’imagerie Geosat Intelligent Emergency 1, censé être en partie piloté par IA. C’est le 7ème succès pour Ceres-1, moins d’un mois après le vol précédent. Un des prochains est prévu d’être réalisé depuis une plateforme en mer. Ce sera une première pour Galactic Energy.
La France s’apprête à sponsoriser des vols tests de micro-lanceurs
C’est une parfaite réponse à une des plainte commune des Assises du New Space, demandant des contrats de vol avec l’Etat. En partenariat avec BPI France, le Cnes a publié un appel à propositions pour financer des vols tests. Comme conditions, les vols devront desservir au choix l’orbite basse à 400 km, ou l’orbite héliosynchrone à 500 km ou 600 km, et devront se faire avant 2027. Ainsi, le Cnes suit l’exemple de l’US Space Force ou autres institutions américaines pour financer les premiers vols de micro-lanceurs privés.
Hyper-brèves :
- Une Kuaizhou-1A a décollé du Xichang le 14 août avec à bord 5 satellites de la constellation HEAD dédiée au trafic monitoring.
- SpaceX va proposer des vols rideshare à destination de l’orbite basse à inclinaison moyenne (45°).
- En recherche d’investisseurs, Astra Space licencie 70 personnes et délaisse peu à peu la Rocket 4 pour se concentrer sur les moteurs satellites.
- HyImpulse annonce que le vol suborbital de son démonstrateur SR75 aura lieu en décembre.
- Rocket Factory Augsburg lève 30 M€ de fonds privés de KKR pour accélérer l’assemblage du premier étage de RFA One et la construction du pas de tir à SaxaVord.
- Interstellar Technologies, connu pour ses fusées MOMO, vise un premier vol de son micro-lanceur Zero en 2025.
- Questions sur le management du calendrier des ouvrages à Unst.
Pleins feux sur l’orbite
Umbra dévoile un nouveau monde en résolution spatiale d’imagerie radar
Il y a peu, une telle résolution spatiale dans l’imagerie spatiale ne semblait être que l’apanage des gouvernements, et non à usage commercial. Avec l’arrivée des satellites nouvelle génération, c’est désormais accessible. Avec par exemple Pleiades Neo, Airbus Defence & Space parvient à une résolution de 15 cm par post-traitement. Le 7 août, la compagnie américaine Umbra a dévoilé une image SAR de 16 cm de résolution, une première. La régulation américaine évolue en devenant plus laxiste sur la restriction de la mise à disposition d’image à très haute résolution, mais reste encore intraitable pour des images de 10 cm de taille de pixel, comme celle publiée par Donald Trump en 20019.
La constellation Telesat 100% financée
Au cours de l’année, on se posait la question du financement de la constellation de 156 satellites Lightspeed de communication en orbite basse du groupe canadien Telesat, censée concurrencer Starlink ou OneWeb. Le financement a été obtenu en contrepartie du changement du maître d’œuvre. La production revient donc canadien MDA. C’est un coup dur pour Thales Alenia Space, initialement choisi, mais dont la production devenait trop tardive. Autre choix, le design change radicalement avec des satellites 75% plus légers que prévu, pesant désormais 750 kg. La constellation est censée être en service en 2027. La constellation devient aussi majoritairement publique, avec 2 milliards de dollars provenant de financements fédéraux et provinciaux, sur un budget total de 3.5 milliards.
Un vol indien PSLV pour Singapour
C’est la première fois qu’un vol est 100% dédié à Singapour, puissance spatiale en pleine émergence. Le 30 juillet un PSLV-CA a mis en orbite basse 7 satellites. Le passager principal est DS-SAR, du gouvernement, avec un radar-SAR israélien comme charge utile. Les autres passagers sont :
- VELOX-AM et ARCADE, microsats de démonstration technologique de la Nanyang Technological University (NTU).
- SCOOB 2, cubesat 3U de la NTU.
- Galassia 2, cubesat 3U de l’université nationale de Singapour.
- NuLIoN, cubesat 3U de NuSpace, compagnie privée dédiée à l’IoT.
- ORB-12 Strider, cubesat 12U de la compagnie britannique OrbAstro, qui testera un système de propulsion. Seul passager ne venant pas de Singapour.
Hyper-brefs :
- La Space Development Agency de l’US Space Force commande 72 satellites à Lockheed Martin et Northrop Grumman pour garnir la « Tranche 2 » de son réseau de satellites de communication et de détection de missile (contrat de 1.5 milliard de dollars).
- Le groupe britannique BAE Systems rachète le constructeur satellite Ball Aerospace (basé au Colorado) pour 5.5 milliards de dollars.
- Le gouvernement de Shanghai souhaite développer une mégaconstellation de 12 000 satellites de communication en orbite basse, en plus de celle du gouvernement chinois.
- Momentus propose une plateforme satellite dérivée de son déployeur orbital Vigoride.
- Exotrail crée deux filiales aux Etats-Unis pour s’attaquer au marché américain.
- Lockheed Martin ouvre une nouvelle usine dédiée à la production de petits satellites.
- Planet est contraint de licencier 117 employés.
Le nouvel âge lunaire
Luna 25 se crashe, et avec le programme lunaire russe
On peut dire sans peur que c’est la catastrophe. Luna 25, première sonde lunaire russe depuis 1976, avec comme seul but de montrer à nouveau que la Russie est toujours capable de se poser sur la Lune, a raté son coup avant même d’avoir essayé. Roscosmos a confirmé dimanche que la sonde avait échoué son changement d’orbite et s’était crashée à la surface. Le moteur principal avait été mis en marche pendant plus de temps que prévu. Luna 25 a donc été perdue avant même de démarrer sa séquence d’alunissage. Erreur de programmation ? Anomalie mécanique ? Précipitation ? Roscosmos a annoncé qu’une commission d’enquête interministérielle fera la lumière sur tout ça. En attendant, la Russie, pourtant partenaire de la Chine pour leur future base lunaire, semble être reléguée au rang des puissances lunaires de second plan, en dépit de son glorieux programme lunaire soviétique appartenant au passé.
L’Inde tente à nouveau son coup le 23 août
Après l’échec russe, tous les regards sont tournés vers Chandrayaan 3. Au cours de l’été, la sonde s’est mise en orbite lunaire, puis a rapprochée du sol au cours de plusieurs manœuvres orbitales. Ces dernières étaient tellement réussies que la sonde a désormais 150 kg de carburant de plus que prévu. La semaine dernière, le module de propulsion s’est détaché du lander. Le posé est prévu pour le 23 août à 20h heure de Toulouse. Un live est prévu ici.
Nova-C est prête à partir
Intuitive Machines a annoncé que son lander lunaire est prêt à partir pour la Lune. La sonde sera livrée à SpaceX à Cap Canaveral en septembre pour un lancement prévu le 20 novembre. Au Kennedy Space Center, on remplira Nova-C de carburant, puis on l’intégrera sous coiffe. Plus tôt dans l’année, la start-up concurrente Astrobotics avait annoncé être prête mais doit désormais attendre que le futur lanceur lourd Vulcan d’ULA le soit aussi. Volant avec SpaceX, Intuitive Machines n’aura pas à attendre et pourrait bien être la première sonde privée américaine à tenter son posé sur la Lune. Haut de 3 mètres, le lander Nova-C emportera plusieurs charges utiles privées et de la Nasa, dans le cadre du programme CLPS.
Hyper-brèves :
- Le décollage du lander lunaire japonais SLIM de la Jaxa est prévu le 26 août.
- Après avoir rendu son rapport à la FAA, SpaceX envisage un nouveau décollage du Starship le 31 août.
- La Nasa développe un plus gros adaptateur pour déployer des cubesats avec le SLS pour la prochaine mission Artemis.
- La DARPA lance l’appel à projet LunA-10 pour sonder les solutions de l’industrie spatiale américaine dans la logistique liée à une base lunaire.
- L’Argentine signe les Accords Artemis.
Le vol habité de demain
Virgin Galactic réalise son premier vol touristique
Le vol Galactic 02 a eu lieu le 10 août, depuis Spaceport America. Après un premier vol commercial au profit de l’Armée de l’Air italienne le 29 juin, ce vol accueillait ses premier clients particuliers. Ces derniers demeurent la principale part de clientèle des vols Spaceship. Un des passagers de Galactic 02, ancien sportif de haut niveau âgé de 80 ans, était un des premiers client à avoir réservé une place (vendue 200 000 $ à l’époque, contre 450 000 $ aujourd’hui). Il était âgé de 80 ans et a persisté à faire ce vol en dépit d’être diagnostiqué de la maladie de parkinson en 2014, après avoir acheté son ticket. Les deux autres passagers clients étaient une mère et sa fille venant d’Antigua et Barbuda. Elles avaient gagné leur place avec un concours.
Axiom lève 350 M$
Grosse levée de fonds privés annoncée ce 21 août. Axiom Space parvient à sécuriser 350 M$ de la part de deux gros investisseurs, suivis d’autres. Le premier est le fonds d’investissements saoudien Aljazira Capital. Le second est le groupe pharmaceutique sud-coréen Boryung. Axiom n’a pas précisé les détails de l’utilisation de ces fonds. Probablement serviront-ils à poursuivre de financer la construction des modules de la station privée qu’Axiom souhaite mettre en orbite. Les premiers modules sont dans un premier temps censés se greffer à l’ISS à partir de 2026, puis se détacher plus tard.
La FAA travaille à une régulation des vols habités commerciaux
Face à la multiplication des vols et acteurs privés dans le domaine de l’astronautique américaine, la FAA souhaite ajouter quelques nouvelles règles, portant notamment à l’entraînement des astronautes de la Nasa par les acteurs privés. L’agence fédérale ajoute au règlement déjà existant la distinction entre les astronautes dits ‘gouvernementaux », formés par la Nasa, et les autres astronautes. La FAA souhaite enrichir les règles à propos de la formation des astronautes de la Nasa pour préparer leur vol dans une capsule privée, ou une station privée. La FAA souhaite que ces derniers subissent des formations supplémentaires pour améliorer les situations de sécurité critiques dans ces véhicules. Ces formations étaient déjà exigées par la Nasa.
Hyper-brèves :
- Redwire et Sierra Space signent un partenariat portant sur le développement d’une plateforme d’accueil d’expériences en biotechnologies qui sera à bord de la future station de Sierra.
- Northrop Grumman envisage des améliorations du cargo spatial Cygnus pour plus de capacité.
- Après l’avoir annoncé fin juin avec l’ESA, la Pologne signe un accord avec Axiom pour embarquer un astronaute polonais dans une mission courte à bord de l’ISS.
- Voyager et Airbus Defence & Space créent une filiale pour développer et opérer leur projet de station spatiale Starlab.
- La start-up allemande Polaris Spaceplanes a le feu vert pour démarrer les essais en vol de son démonstrateur d’avion spatial MIRA.
- L’astronaute Drew Feustel (3 missions : ISS/Shuttle) quitte la Nasa et rejoint la compagnie canadienne de minage spatial CMSC.
Statistiques : en pleine accélération
Du 1er janvier au 31 juillet 2023 en quelques statistiques :
- 114 tirs, dont 6 échecs
- 48 tirs Falcon 9
- 30 tirs chinois
- 1870 satellites déployés avec succès (missions NROL comptées comme une seule charge utile), dont 210 cubesats et 1115 Starlink.
Crédit image top : ISRO
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