Transporter-5 : ils sont à bord des bus spatiaux de SpaceX.

Mercredi 25 mai, SpaceX réussit un nouveau tir Falcon 9 à destination de l’orbite polaire depuis Cap Canaveral. Le vol a été un succès. Il y avait 59 satellites à bord. C’est l’occasion de faire un panorama des passagers à bord des vols rideshare de la compagnie d’Elon Musk.

Portés par ces magnifiques flammes, un véritable portrait du New Space en 2022. (SpaceX)

La réutilisation pour des prix cassés

Transporter-5 était le 160ème vol de SpaceX depuis le début de la compagnie il y a maintenant 20 ans. Il n’a pas retardé la folle fréquence de vol de SpaceX, soit un vol Falcon 9 par semaine depuis le début de l’année. La réutilisation a permis d’augmenter la cadence de vol. En effet, sur tous les boosters ayant décollé en 2022, seul un était neuf. Le B1061 qui a fait décoller Transporter-5 en était à son huitième vol. Pour l’anecdote, c’est ce booster qui a envoyé Thomas Pesquet et son équipage Crew-2 dans l’espace il y a un an. La coiffe aussi était réutilisée.

Le vol s’est déroulé sans histoire. La Falcon 9 a décollé de Cap Canaveral après un léger report de quelques minutes pour des vérifications complémentaires. Le booster B1061 est revenu se poser sur la Landing zone 1 juste à côté du pas de tir d’où il avait décollé. C’est la procédure dans le cas d’un vol vers l’orbite polaire.

Le second étage a pris le relais pour la mise en orbite. Il a exécuté une première mise à feu juste après la séparation des étages, puis a patienté pendant 47 minutes avant une nouvelle mise à feu. 55 minutes après le décollage, le déploiement des passagers a commencé. Cela a duré une vingtaine de minutes.

Le reconditionnement des boosters et coiffes réutilisés est désormais efficace. Un booster est maintenant capable de réaliser deux vols de suite en une vingtaine de jours. Ce gain de temps et coûts lié à la réutilisation ont permis à SpaceX de proposer un prix de mise en orbite très faible : 1.1 M$ pour 200 kg de charge utile en orbite héliosynchrone, soit 5500 $ le kilo. C’est près de quatre fois moins cher de que qu’on pouvait trouver aux Etats-Unis il y a dix ans.

Face à une telle baisse, l’argument du prix faible a commencé à disparaître chez les compagnies de micro-lanceurs comme Rocket Lab, qui ne parviennent pas à descendre si bas. Leur marketing vante désormais le principe de l’orbite dédiée, un service à la carte auquel des opérateurs sont très sensibles face au mode industriel de SpaceX.

prix du vol au kilo, comparatif (les prix Electron et LauncherOne son estimés, celui d’Astra correspond à celui annoncé par la compagnie). (Spacekiwi)

A bord de Transporter-5

Les habitués :

Il y avait 59 passagers à bord de la Falcon 9. On y retrouve des compagnies qui étaient déjà présentes dans les autres vols Transporter. Parmi ceux qui ont été déployés par SpaceX :

  • Umbra-3, satellite SAR (Synthetic Aperture Radar) d’Umbra Lab, qui vient agrandir la constellation d’imagerie radar censée avoir une résolution spatiale de 25 cm.
  • Quatre satellites d’imagerie optique ÑuSat de la compagnie argentine Satellogic. Ils disposent désormais d’une trentaine de satellites pour la constellation Aleph-1 qui en comptera au final 90 satellites pour assurer une cartographie complète du monde de façon hebdomadaire avec une résolution d’un mètre. Satellogic entend pouvoir étendre la constellation à 300 éléments pour pouvoir restreindre la résolution temporelle au quotidien.
  • Trois satellites Hawk, venant renforcer la constellation de la compagnie américaine Hawkeye360. Cette constellation a pour but de surveiller les trafics maritimes, aérien et même spatial en captant les signaux radio. Hawkeye360 avait d’ailleurs détecté des interférences dans le système GPS lors du début de l’invasion russe de l’Ukraine.
Visuel d’un satellite SAR d’ICEYE. (ICEYE)

Déployeurs intermédiaires

Une partie des autres passagers ont été déployés via des intermédiaires, à commencer par Exolaunch (basé à Berlin) :

  • Cinq Cubesat-6U Lemur-2 de Spire. Trois d’entre eux embarquent des charges utiles de Myriota dédiées à l’Internet des Objets (IoT), deux embarquent des technologies de démonstration de détection de signaux radio et de géolocalisation financées par le Defence and Security Accelerator de la défense britannique. Un des Lemur-2 (nommé Sejong-1) a été fourni par Spire à la compagnie HANCOM InSPACE. Il s’agit du premier satellite commercial d’imagerie de la Corée du Sud.
  • Cinq satellites d’observation SAR de la compagnie finlandaise ICEYE qui viennent agrandir la constellation pour faire de l’imagerie radar.
  • Trois microsatellites de 15 kg de GHGSat (Canada), pour agrandir une constellation dédiée à l’étude de notre atmosphère, et particulièrement les gaz à effets de serre.
  • Centauri-5 : nouvel élément de la future constellation de Fleet Space Technologies qui devrait avoir au final 140 cubesats-6U, destinée à l’IoT.
  • Spark-2 : microsatellite de communication de la compagnie américaine Omnispace. Il est le second élément d’une constellation de communication sur une orbite non-géostationnaire.
  • Urdaneta-Armsat-1 : microsatellite pionnier d’une constellation d’imagerie optique de la compagnie espagnole Satlantis, qui aura une résolution spatiale de 1.8m. Il est aussi conjointement développé avec l’Arménie.
  • Sharedsat-2 : cubesat 6U de la compagnie bulgare Endurosat qui embarque plusieurs charges utiles de différents clients.
  • Foresail-1 : cubesat 3U connu comme étant le tout premier satellite scientifique de Finlande. Développé par l’Aalto University.
  • Connecta T1.1 : cubesat 3U de la start-up turque Plan-S, dédié à l’IoT.
  • SPiN-1 : cubesat 1U de démonstration technologique développé par Space Products and Innovation (Allemagne)
  • Planetum-1 : cubesat-1U éducatif tchèque développé par les observatoires et planétarium de Prague.

En plus d’Exolaunch, la compagnie américaine Terran Orbital a également assuré le déploiement de quelques satellites :

  • Deux microsatellites de la constellation CICERO de GeoOptics, dédiée à l’étude de l’atmosphère terrestre par radio-occultation de signaux GPS et Galileo.
  • Pathfinder Technology Demonstrator 3 (PTD-3) : cubesat 6U de démonstration développé par le NASA Ames Research Center.
  • Deux cubesats 3U CPOD A & B développés par Tyvak et financés par la NASA pour tester les rendez-vous et opérations de proximité entre deux nanosatellites.

Dernière compagnie à avoir déployé des satellites depuis l’adaptateur de SpaceX, Momentus, avec :

  • BroncoSat 1 : cubesat 1.5U développé par Cal Poly Pomona’s Bronco Space (USA) pour tester des technologies en Machine Learning.
  • VariSat 1C : cubesat 6U portant une urne funéraire contenant les cendres de plusieurs disparus. Ce business loufoque est organisé par la compagnie Celestis.
Intégration d’un satellites de Spire dans un déployeur d’Exolaunch. (Spire/BusinessWire)

Floraison de déployeurs orbitaux

Avec Transporter-5, SpaceX a mis en orbite trois déployeurs orbitaux. Si c’est une technique encore en train de naître, ils ont chacun leurs clients, à l’heure où sort cet article, ils n’ont pas encore déployé tous leurs passagers. Le nouveau venu est Vigoride, développé par Momentus, avec 9 passagers à bord :

  • SELFIESAT-1 : cubesat 2U développé par OrbitNTNU qui, comme son nom l’indique… prend des selfies dans l’espace d’une photo affichée sur un écran.
  • 7 picosatellites de la compagnie espagnole FOSSASAT, agrandissant une constellation dédiée à l’IoT.
  • Veery FS1 : picosatellite développé par CareWeather et dédié à la météo.

Autre déployeur orbital, ION-SCV de la compagnie italienne D-Orbit. Cette dernière est présente à bord des vols rideshare de SpaceX depuis le vol SSO-A de 2018. A bord de son dernier :

  • Guardian-1 : cubesat 6U de la compagnie espagnole AIStech, et premier élément d’une future constellation de 20 cubesats qui observera la Terre en infrarouge pour chercher des sources de chaleur.
  • SBUDNIC : cubesat 3U italo-américain développé conjointement par la Brown University et l’Institute of Atmospheric Pollution Research. Il testera plusieurs technologies.
  • Deux expériences embarquées

Enfin, le dernier déployeur orbital est celui de Spaceflight Inc. – Sherpa AC – qui embarque plusieurs passagers :

  • Agile Micro Sat (AMS), développé par le MIT dédié à la démonstration technologique.
  • Deux nanosatellites de la Missile Defence Agency (projet CNCE) pour tester des communications entre eux.
  • Deux expériences embarquées

Il y a également une dernière expérience embarquée avec l’aide de la compagnie NanoRacks. Cette expérience de la NASA nommée Mars Outpost Demo tentera de couper du métal dans l’espace.

Intégration des passagers du Sherpa AC1. (Spaceflight Inc.)

Forte augmentation de la cadence des vols rideshare

C’est la nouveauté qui marque l’année 2022. SpaceX a décidé d’accélérer la cadence de ses bus spatiaux à destination de l’orbite héliosynchrone, sous la pression d’une très forte demande des nouveaux opérateurs satellite, qui ne peuvent plus attendre.

Le premier vol de ce genre chez SpaceX remonte à 2018 (SSO-A), de façon expérimentale, avec la mise en orbite essentiellement prise en charge par Spaceflight Inc. C’est seulement en 2021 que ce type de vol a repris, naturellement suspendu par le blocage de la logistique par la crise sanitaire. Après deux vols Transporter en 2021, nous en somme déjà à trois vols aujourd’hui pour 2022.Un dernier est prévu pour octobre. SpaceX prévoit désormais quatre vols par an.

Occupation des différents ports de Transporter 1. On voit que c’est tout une procédure de réservation ! (SpaceX/Spacekiwi)

Au total sur les cinq vols Transporter, SpaceX a mis en orbite 434 passagers, issus en très grande majorité de compagnies faisant partie du New Space, notamment américain. SpaceX en a même profité pour y glisser quelques Starlink. Avec les vols Transporter s’est développé toute une économie du service satellite en orbite. SpaceX ne met en orbite qu’une partie des passagers, le reste du déploiement depuis l’adaptateur se fait surtout via des déployeurs attachés ou même orbitaux appartenant à des compagnies intermédiaires qui bookent les vols Transporter pour leurs clients.

SpaceX avait commencé cette aventure avec le premier d’entre eux, Spaceflight Inc., mais depuis début 2022 suite à un problème de fuite de carburant lors du test de leur déployeur orbital Sherpa, SpaceX avait décidé de se passer d’eux jusqu’à aujourd’hui. Mais les autres sont nombreux : Momentus, NanoRacks, D-Orbit, Exolaunch, Isilaunch, etc.

Réduire les coûts d’attente devenus trop gros, c’est ce que propose SpaceX avec ses vols Transporter à bas prix. D’autres compagnies comme Arianespace sont elles aussi intéressées. Un vol rideshare a déjà été réalisé avec une fusée Vega en 2020. La compagnie russe GK Launch Service en faisait aussi régulièrement avec le couple Soyouz/Fregat. Mais il n’en n’est plus trop question désormais. L’Inde attend de pouvoir refaire à nouveau ce type de vol avec le PSLV. Avec la taille moyenne des satellites qui décroît drastiquement et leur nombre qui augmente tout autant, les vols rideshare ont une belle période devant eux.

Le module SSMS de déploiement des différents passagers de la fusée Vega lors du tir Vega-SSMS en 2020. (Arianespace)

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