Electron : quand on veut faire revenir un booster en hélicoptère.

Après la famille Falcon de SpaceX, c’est au tour de l’Electron de devenir réutilisable. Du moins, un grand pas a été fait aujourd’hui : pour la première fois, Rocket Lab réussit à capturer le booster principal de la fusée lors du vol ‘’There and Back Again’’. Toutefois, le booster a dû être relâché peu après. La mise en orbite des satellites est un succès.

Magnifique flamme du décollage de l’Electron. (Rocket Lab)

Un rêve inavoué

Le goût de la casquette de Peter Beck a du s’améliorer aujourd’hui. Le PDG-fondateur de Rocket Lab était au début contre la réutilisation et avait promis de manger sa casquette s’il revenait sur sa décision. Depuis, Rocket Lab a fait le choix de la réutilisation pour Electron. Et après avoir mangé sa casquette, Beck a présenté la Neutron, un futur lanceur de nouvelle génération, à la capacité équivalente à la Soyouz et… réutilisable. Ce revirement s’est fait avec le temps, celui qu’il a fallu à SpaceX pour démontrer que c’est rentable.

C’est un long chemin qui a déjà été parcouru pour en arriver là. L’Electron vole depuis 2017 mais les vols sont devenus réguliers seulement à partir de 2019. C’est à ce moment-là que Rocket Lab décide qu’à terme, le micro-lanceur sera partiellement réutilisable. Comme la Falcon 9, le premier étage sera récupéré et réutilisé mais pas le second. En revanche, Rocket Lab ne récupère pas la coiffe. Vu la taille, ça a beaucoup moins d’intérêt.

L’Electron sur le pas de tir LC-1A, avec son booster modifié. (Rocket Lab)

Une technique acrobatique

Il existe plusieurs façons de récupérer un booster. SpaceX a fait le choix de le faire atterrir sur une landing zone ou sur une barge automatisée. Ce serait beaucoup trop complexe pour l’Electron qui pèse seulement 12.5 tonnes. L’ensemble des sous-systèmes pour assurer un atterrissage serait trop lourd pour elle et réduirait sa capacité de mise en orbite, déjà limitée à 150 kilos en orbite héliosynchrone. Non, Rocket Lab a opté pour plus insolite : la capture par hélicoptère.

Le déroulé est le suivant :

  • Décollage,
  • MECO : extinction des 9 moteurs Rutherford du booster
  • Séparation de l’étage principal
  • Descente en chute libre contrôlée du booster dans l’atmosphère
  • Déploiement du parachute pour freiner la descente
  • A quelques kilomètres d’altitude, un hélicoptère capture la ‘’corde’’ liant le parachute au booster.
  • Le booster reste suspendu, transporté par l’hélicoptère jusqu’à la zone de récupération sur Terre. Le booster y est déposé en douceur.

Rocket Lab a déjà procédé à de nombreux tests de capture en vol. Le premier a été communiqué au Printemps 2020, pendant le premier confinement. Petit à petit, des boosters modifiés ont servi pour certains vols ces deux dernières années. Rocket Lab a désormais beaucoup de données sur la rentrée atmosphérique avec ces boosters modifiés sans qu’ils soient capturés jusqu’à présent.

Capturé pendant quelques secondes

La nuit est tombée depuis quelques heures en France quand Electron décolle. Le vol s’est déroulé dans la nuit du 2 au 3 mai, après une dizaine de jours de reports successifs pour raisons de météo. Pour cette première tentative, Rocket Lab souhaitait une météo idéale dans la zone de récupération. Ce faisant, l’hélicoptère Sikorsky n’aurait pas à se soucier de cette contrainte pendant l’opération.

Le décollage s’est fait depuis le pas de tir LC-1A, le premier du site de Mahia Peninsula. Il est 10h41 (00h41 heure de Toulouse) quand les neuf moteurs Rutherford rugissent et font décoller l’Electron. Le décollage est un succès. Deux minutes et demie plus tard, le booster a rempli son rôle et se détache. Le second étage prend le relais. Plus de dix minutes après le décollage, Electron est en orbite de transfert et son étage supérieur prend le relais. Dans l’heure, tous les passagers sont déployés avec succès.

Pendant près de quatre minutes après sa séparation, le booster de l’Electron est descendu en chute libre avant de déployer un premier parachute pour se ralentir. Peu après, il déploie son parachute principal. Il a suffi d’une demi-douzaine de minute pour que les pilotes de l’hélicoptère Sikorsky S-92 aient le booster en visuel.

Quelques minutes après, le grappin déployé au bout d’un long câble sous l’hélicoptère réussit à capturer le booster et son parachute. Mais le booster semble avoir déstabilisé les pilotes. Au bout de quelques secondes, ils décident de le larguer. Il terminera sa descente sous parachute avant de tomber dans l’eau. Un navire détaché par Rocket Lab le récupérera peu de temps après. Le booster semble avoir passé si peu de temps dans l’eau salée que Peter Beck songe encore à le réutiliser.

Le test n’est donc pas vraiment un succès dans le sens où le Sikorsky devait rapporter le booster. Toutefois, la capture s’est bien faite, ce qui est une première dans l’Histoire.

L’hélicoptère Sikorsky S-92 de Rocket Lab. (Rocket Lab)

New Space à bord

Le vol ‘’There and Back Again’’ était à destination de l’orbite héliosynchrone, à 520 km d’altitude. Il y avait 34 petits satellites à bord. Parmi les principaux clients à bord, on compte la compagnie E-Space fondée par Greg Wyler. Il s’agit de trois satellites pionniers qui serviront à tester le bon fonctionnement de leur plateforme. E-Space cherche à développer une mégaconstellation de 300 000 satellites internet. Pour rester d’ailleurs dans l’insolite, ce projet fou est derrière une requête déposée à l’organisme international des communications (ITU, branche de l’ONU) … par le Rwanda.

Il y a aussi à bord un cubesat 6U d’une start-up bien connue du New Space français aujourd’hui, à savoir UnseenLabs. Il s’agit de BRO-6 (Breizh Reconnaissance Orbiter), mais il est le septième cubesat de la constellation à être mis en orbite. La constellation permet de repérer des navires en mer ayant coupé leur signal AIS (pirates, etc.), en recevant leurs émissions électromagnétiques.

Vue d’artiste d’un cubesat BRO d’UnseenLabs. (UnseenLabs)

Comme autres cubesats à bord, il y a AuroraSat-1 de la compagnie finlandaise Aurora Space Propulsion Technologies. Ce cubesat servira à tester plusieurs sous-systèmes de propulsion plasma dans le cadre de la capture de débris par un petit satellite. Il y a également Copia, un cubesat 1U d’Astrix Astronautics, une compagnie basée en Nouvelle-Zélande.

Enfin, il y a à bord toute une floppée de picosatellites. En effet, on compte 24 picosats SpaceBEE de Swarm Technologies, pour continuer de garnir une constellation dédiée au relais de données. Swarm Technologies est une des rares compagnies à avoir été rachetées par SpaceX. L’intermédiaire Spaceflight Inc. a organisé la réservation à bord du vol. Les autres picosats ont été développés par la compagnie espagnole Alba Orbital. L’un d’eux, Unicorn-2, appartient à la compagnie et propose de mesurer depuis l’espace l’ampleur de la pollution lumineuse.

Le picosatellite Unicorn-2. (Alba Orbital)

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