Vendredi 10 juillet, la Chine a vu apparaître encore un nouveau lanceur dans son ciel, mais le vol s’est rapidement soldé par un échec. Le vol s’est déroulé depuis le Jiuquan Space Center, dans le désert en Mongolie Intérieure au nord de la Chine, à 6h17 heure de Toulouse.
Echec du lancement
L’annonce du vol inaugural de la Kuaizhou 11 a été assez discret. Le vol était initialement prévu pour 2018, mais il y a eu plusieurs retards de développement (notamment un test du premier étage qui s’est révélé un peu trop explosif). De plus, le COVID a réduit à néant pendant des mois l’activité de l’opérateur ExPace, le centre de production Kuaizhou se trouvant à Wuhan. Aujourd’hui, le micro-lanceur Kuaizhou-1A a repris son service le 12 mai.
Une fois de plus, ce 10 juillet, le Jiuquan Space Center a accueilli un tir inaugural. Le plus ancien des centre de lancement de Chine est aujourd’hui partiellement mis à disposition du spatial privé pour tester du moteur ou du lanceur. ExPace y lance la plupart de ses fusées Kuaizhou.
Le début du vol s’est déroulé normalement. Le premier étage semble avoir fonctionné normalement, certains observateurs ont même noté que le système de guidage semblait fonctionnel en voyant pendant un court moment la flamme d’un moteur RCS au sommet du lanceur. Mais après la séparation entre les premier et second étages, le vol s’est dégradé jusqu’à perte du lanceur.
On ignore aujourd’hui quelles sont les causes de l’échec. Il se pourrait que ça vienne de la séparation du premier étage, ou d’une anomalie au second étage. C’est à ce moment-là que la diffusion en direct (mais différé) s’est arrêtée. Certaines rumeurs indiquent même que le troisième étage aurait explosé. Aucune confirmation officielle pour l’instant. Seul le média gouvernemental Xinhua a indiqué dans un court communiqué que l’origine de l’échec était à l’étude.
Cet échec est le troisième en Chine cette année, suite à l’échec du vol inaugural de la Long March 7A en mars, et à l’échec d’une LM-3B en avril. C’est malheureusement très courant que le tir inaugural d’un lanceur soit un échec, en dépit de tous les tests au sol fait avant.
Deux satellites se trouvaient à bord :
- Jilin-1 HR-02E, un satellite d’observation de la Terre de la Chang Guang Satellite Technology Corporation, censé venir agrandir la constellation Jilin-1, qui apporte régulièrement de beaux clichés de la surface.
- CentiSpace-1 S2, un satellite servant de plateforme de test de nouvelles technologies GNSS pour la compagnie privée Future Navigation.
Une Kuaizhou plus puissante
La Kuaizhou-11 est un fusée légère dérivée de la Kuaizhou-1A, elle-même dérivée du missile balistique DF-21 (j’ai déjà consacré un article sur la KZ-1A ici). La KZ-11 est juste plus puissante de façon à mettre en orbite des satellites plus gros. Alors que la KZ-1A se limite à une capacité d’emport de 300 kg en orbite basse, la KZ-11 peut y emporter jusqu’à 1500 kg de charge utile.
La Kuaizhou-11 est composée de trois étages à propulsion solide. Chaque moteur est à tuyère fixe, c’est pour cela que le guidage du lanceur se fait à l’aide de RCS situés au dernier étage. Avec 25 mètres de haut, la KZ-11 pèse 78 tonnes au décollage. Le lanceur peut utiliser plusieurs coiffes selon les demandes des clients, avec des diamètres variant entre 2.2 et 3 mètres. Comme la KZ-1A, la KZ-11 utilise aussi un TEL pour le lancement, à savoir un véhicule servant à la fois au transport et de pas de tir.

C’est le plus puissant de tous les lanceurs à propulsion solide de Chine, qui sont pourtant nombreux avec l’arrivée du NewSpace. Actuellement, en propulsion solide on compte :
- La Long March 11 de la CASC.
- La Kuaizhou-1A d’ExPace.
- La Jielong-1 de China Rocket Ltd., filiale de la CASC, dont le prochain tir est prévu cet année.
- La Zhuque-1 de Landspace, qui a échoué son premier et unique tir. On ignore si elle revolera un jour, Landspace a un contentieux avec le fournisseur du moteur.
- L’OS-M1 de OneSpace qui a échoué également son premier et unique vol, d’autres tirs sont peut-être à venir.
- L’Hyperbola-1 d’iSpace, qui a réussi son tir inaugural. On ignore quand aura lieu son prochain tir.
Le Newspace chinois devrait nous faire apparaître de nouveaux lanceurs comme la Ceres-1 de Galactic Energy, dont le prochain vol devrait avoir lieu à l’automne prochain. Mais au-delà de la propulsion solide, les premiers acteurs du Newspace chinois se tournent déjà vers la propulsion à ergol liquide, qui est certes plus complexe, mais plus fiable et plus polyvalente.

La Kuaizhou-11 a plusieurs équivalents dans le monde. En plus de la Long March 11, il y a la Rockot en Russie, la Minotaur-4 aux USA, Epsilon au Japon, et bien sûr la fusée européenne Vega. Il y aura prochainement deux autres équivalents du côté du Newspace américain : Alpha de Firefly Aerospace (premier vol d’ici fin 2020), et la Terran-1 de Relativity Space (premier vol en 2021). Mais la Kuaizhou-11 est surtout un pion pour conquérir le marché intérieur chinois, car ce n’est pas n’importe qui derrière elle.
ExPace est une filiale du géant de l’armement CASIC (China Aerospace Science & Industry Corporation), le plus grand missilier de Chine, contrôlé par l’Etat. Depuis plusieurs années, la CASIC tente de s’introduire dans le spatial chinois, monopolisé par la CASC (China Aerospace Science and Technology Corporation) et ses fusée Long March. La KZ-11 viendra directement rivaliser avec la LM-11. La CASIC ne s’arrêtera pas là : déjà des versions plus lourdes KZ-21 et KZ-31 sont en cours de développement, avec comme capacité respectivement 20 T et 70 T de charge utile en orbite basse. Leurs lancements sont prévus pour 2022 et 2023.

Sources principales : NASA Spaceflight, SpaceNews, Closer To Space.
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